L'œuvre de Léger à l'épreuve de la gravité
Avec sa série des "objets dans l'espace" (1928-1932), Fernand Léger s'inscrit pleinement dans la nature morte du XXe siècle et ses motifs traditionnels tout en introduisant de nouvelles thématiques. Ustensiles domestiques, objets simples de la vie courante ou encore lampes à gaz y apparaissent comme autant de représentations de la modernité.
Ces thèmes, influencés par les courants picturaux du XXe siècle, tendent vers l'abstraction des formes et la variation des couleurs. Alors que les cubistes s'attachent à défier les lois de la physique à travers l'expression d'un espace tridimensionnel sur une surface plane, Léger ne cherche pas à figurer la totalité de l'objet mais à le distinguer en volume et en plan au sein d'un espace idéal. Il s'agit davantage d'un cubisme visuel qu'intellectuel.
À l'image de son contemporain Alexander Calder, il est inspiré par le cinéma de Jean Painlevé, qui entreprend d'élargir la conscience visuelle en scrutant le monde microscopique du vivant. Le biomorphisme et la métamorphose apparaissent ainsi comme autant d'éléments importants de l'œuvre de Fernand Léger - mais aussi de Vassily Kandinsky, Hans Arp ou Joan Miró -, tant ils font le lien entre le réel et l'imaginaire.
L'artiste délaisse le spectacle de la vie moderne pour une approche plus lente du réel mais conserve le fond neutre où flottent ses formes, majoritairement isolées. Il poursuit désormais l'expérimentation des possibilités plastiques des formes afin de transposer cette vision poétique à l'aide des seuls effets picturaux.
Fernand Léger réalise la gouache Objets dans l'espace en 1932, fort de cette période d'étude du sujet et des techniques qui lui permettent de suggérer le mouvement et le flottement de façon remarquable. Il parvient ici à instituer une impression de perte de gravité du sujet par la simulation de leur rotation. Son génie consiste à conserver une atmosphère - telle une entité qui persiste - par l'aplat de couleurs vives, cernées de noir.
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